HISTOIRE DE NOMININGUE

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La gare

Le curé Antoine Labelle

 

Antoine Labelle disait en 1872 : « Je sens que la province a besoin d’un chemin de fer dans le Nord … Pour développer notre pays il nous faut des industries, il nous faut des chemins de fer … »

 

En 1876 la voie ferrée atteint St-Jérôme et se poursuit pendant dix-sept années jusqu’à Chute aux Iroquois (Labelle), en 1893, et s’y arrête. Le curé Labelle étant décédé en 1891, le Nord continue de se développer mais sans le train qui devient de plus en plus nécessaire. Au congrès de la colonisation à Montréal en 1898, le père Dom Joseph Cottet, curé de Nominingue, lance un cri d’alarme : « Eh bien, messieurs, si l’on ne trouve pas le moyen de nous donner le chemin de fer, notre pays reculera, je le tiens pour certain ».

 

Et voici que le tronçon l’Annonciation Nominingue est inauguré le 27 juin 1904. Pendant trois ans, Nominingue sera le terminus de la ligne du Nord du Canadien Pacifique.

 

31 janvier 1904 – Lettre de Charles Martineau à R.P. Marcel Martineau « Tu sais qu’il y a un grand changement à Nominingue, ce sont les chars. Nous avons les trains de passagers régulièrement maintenant … »

 

Le rêve du Curé Labelle se réalise peu à peu, la poursuite de son Petit Train du Nord éventuellement jusqu’à Rapide de l’Orignal et même rejoindre le Grand Tronc par le Témiscamingue. C’était de son vivant son obsession, allant même au confessionnal échapper ce lapsus « Vous me ferez un chemin de fer » comme pénitence, voulant sûrement dire : « Vous me ferez un chemin de croix ».

 

Ravitaillement

 

Le chemin de fer des Laurentides sert d’abord au ravitaillement des colons et transport du bois vers Montréal, et parallèlement au développement de nouvelles agglomérations et favorise l’arrivée des touristes et des lieux de villégiature.

 

Monsieur Armand Gaudreault, conducteur de train à la retraite dit : « On transportait beaucoup de bois, dont une bonne partie était du bois franc, c’était aussi le seul moyen de transport valable qui réponde à tous les besoins. »

 

Un char ordinaire peut contenir 36 cordes de bois, bois de chauffage coupé en deux pieds, trois pieds et du bois de sciage.

 

Comme les locomotives ont une limite de wagons à tirer, lorsque le convoi de marchandise habituel est plein, alors « on fait monter le Wabano » un autre convoi de marchandises stationné à Labelle. Des convois ou des wagons étaient ainsi baptisés par les employés ou la compagnie. Wabano, en langage Cri signifie : sorcier; en langage Atikamek et Algonquin il signifie : l’étoile du matin.

 

Passagers, malades, morts …

 

Monsieur Gaudreault dit aussi : « On retrouve le char hôpital ou le char de velours; les sièges sont recouverts de velours bleu et vert, on le trouvait en avant, derrière le char à bagages, c’était un wagon fermé. Vous pouviez vous coucher ou vous asseoir tranquilles, c’était un char pour les malades. Les morts, on les embarquait avec les bagages. »

 

La malle par le train

 

Le courrier est une partie importante de la vie des colons et diminue l’isolement. La gare était le point de chute du courrier expédié et reçu. La malle par le train est rapide; les lettres mises sur le train le matin étaient reçues dans l’après-midi à Montréal. Un wagon était réservé pour la malle, le tri, l’oblitération et la distribution du courrier se font au cours du trajet, un vrai bureau de poste itinérant. Le responsable du travail est armé d’un revolver.

 

Télégraphie

 

Les multiples fonctions de la gare ont été le prélude des communications rapides. La gare était le point de chute du courrier expédié et reçu. Avant l’arrivée du téléphone, chaque gare était pourvue d’un service de télégraphie. Un bon télégraphiste pouvait émettre, à la clé (poinçon de métal) ou au bug (contact établi entre le pouce et l’index) jusqu’à 50 mots/minute.

 

Le chef de gare se devait de connaître la télégraphie. À cause de ses fonctions de communicateur, il était aussi important que le curé et le médecin.

 

L’heure juste

 

La gare avait une fonction sociale importante : pour régulariser le service, elle se devait d’avoir l’heure juste. Les villageois réglaient souvent leur horloge sur l’heure du passage du train. Tous les télégraphistes de chaque gare du Canada recevaient chaque jour un signal qui leur permettait de vérifier l’exactitude de l’heure. Dans la province de Québec, ce signal était reçu régulièrement à 11 :54 heures, 11 :55 heures et 11 :58 heures; le télégraphiste devait communiquer immédiatement qu’il était à son poste.

 

Signaux – Langue

 

Le bruit du train, c’était la cloche ou le sifflet, le règlement dit que là où il y a une traverse à niveau, le train doit crier un grand coup, un moyen et deux petits.

 

C’est l’unilinguisme anglais dans la compagnie du Canadien Pacifique :

 

All aboard – Line up – Hand car – Forman – Dispatcher

 

Gare

 

L’origine du mot gare vient de « garer les trains non prioritaires »; en anglais « station ». La gare de Nominingue est une construction de style cottage orné; c’est un bâti rectangulaire avec oriel, un toit en croupe aux rebords larges dont l’avant-toit existe seulement du côté de la voie, supporté par des consoles.

 

Dans le bureau du chef de gare se font toutes les transactions, le dépôt du courrier, les messages par télégraphie et l’horloge, le sémaphore (poste de signalisation). Il y a aussi la salle des marchandises et une salle d’attente avec un banc réservé aux hommes et un autre pour les femmes. Un poêle central réchauffait cette salle.

 

Il doit y avoir beaucoup de discipline et de civisme dans la gare. Les règlements sont affichés et sont les mêmes pour tous. Il ne doit pas y avoir de vagabondage.

 

Un rappel est fait dans le journal Le Pionnier en juin 1907 : « On ne peut passer une seule fois sur le quai de notre gare le soir surtout sans y voir fourmiller des bataillons d’enfants et même des fillettes de 7 à 15 ans. C’est un bien vilain endroit pour y laisser fréquenter cette toute jeune clientèle. Sans insister sur les dangers de morts ou d’éclopage qui menacent là tous ces jeunes imprudents par suite des maniements des trains etc., il se tient à la gare, comme en tout endroit public pareil, assez fréquemment des propos qui n’ont rien d’édifiant pour ces petites oreilles-là surtout. Les parents feraient bien semble-t-il d’éloigner leurs enfants de ce milieu.

 

La communauté se rassemble à la gare pour les colis, la marchandise, la poste, les visiteurs.

 

S’ajoute à la gare de Nominingue la gare de Bellerive en 1907; c’était un arrêt sur signal (flag station) avec une seule voie d’évitement. Aucun agent permanent n’y résidait. S’ajoute aussi la gare de Loranger et la maison du Pacifique a été construite par la compagnie pour abriter le contremaître (foreman) chargé de l’entretien de la voie ferrée.

 

Déclin

 

Le chemin de fer a atteint son apogée et ses heures de gloire dans les années 1920 à 1940. À partir des années 50 son déclin, amorcé à la fin de la 2e guerre mondiale, s’est continué avec l’amélioration du réseau routier et la concurrence des autres moyens de transport.

 

« Le 15 octobre 1965 l’agent de gare est remplacé par un gardien. La commission de transports a autorisé le C.P.R. à remplacer son agent par un gardien (communément appelé « caretaker ») à partir du 16 octobre 1965. »

 

« Monsieur Gaudreault dit que le train régulier numéro 167 qui montait de Montréal à Mont-Laurier et redescendait le matin portant le numéro 152, a effectué son dernier voyage en 1979 conduit par monsieur Léo Gaudreault, qui le conduit à sa dernière demeure, tradition oblige. Dans les années suivantes, le fret continue de circuler jusqu’en 1982-83, par la suite jusqu’en 1986 sporadiquement, un train monte jusqu’à Mont-Laurier ». (Monsieur Gilbert Cholette)

 

« Malgré la désapprobation de tous, de Montréal à Mont-Laurier, le Canadien Pacifique interrompt le service de chemin de fer sur cette ligne plus que centenaire. À travers diverses manifestations, la population a tenté en vain de dissuader la compagnie de poursuivre son projet. Novembre 1981 sonne le glas du « Petit train du Nord » immortalisé par Félix Leclerc. Une foule nostalgique attend le passage du dernier train. » (Livre du centenaire de Nominingue, p. 296)

 

Déménagement

 

À la suite de l’arrêt des trains, la gare est placardée et abandonnée par le C.P. Les festivités du centenaire de Nominingue se préparent. On doit enjoliver le village. Madame Rita Croisetière, présidente du comité d’embellissement, fait une demande au C.P.R. pour reprendre en enjoliver la gare. Contre toute attente, le C.P. Rail requiert que la gare soit enlevée ou démolie. C’est ainsi qu’en 1983 la Chambre de Commerce de Nominingue et le conseil municipal deviennent propriétaires de la gare et, pour la sauver de la démolition, elle est déménagée au parc Hervé Desjardins par Michel Latreille. Pendant 15 ans elle sert de chalet d’accueil pour les différentes activités du parc, accueillant jeunes et moins jeunes et sert aussi de local pour l’organisme « Les Papillons ».

 

Pendant ce temps un nouveau projet émerge pour utiliser l’emprise du chemin de fer, ce long couloir de 200 kilomètres de St-Jérôme à Mont-Laurier. Après cent ans d’histoire, car 1991 vit l’enlèvement des derniers dormants, un vent de renaissance, l’année du centenaire peut devenir celle de la création du parc linéaire du Petit train du Nord. C’est un projet tout aussi important pour les Laurentides que l’était le chemin de fer en 1891. En conservant ce corridor stratégique à travers la région, on permet aux Laurentides de mieux répondre à sa vocation première de territoire récréatif, touristique et de villégiature.

 

Mission

 

Le 5 septembre 1997, il y a formation du Comité des gares de Nominingue. À l’initiative du maire, monsieur Rosaire Senécal, la Municipalité invite les citoyens à relever le défi et à participer au projet de sauvegarde, de restauration et de mise en valeur des gares d’origine des Laurentides.

 

En partenariat, la Municipalité et le comité mettent en place tous les éléments nécessaires afin de revitaliser la gare.

 

La gare de Nominingue se veut être
  • Un centre d’information touristique
  • Un centre d’information du patrimoine local
  • Un centre d’information sur la flore indigène des Laurentides
  • Une aire de repos pour les utilisateurs du parc linéaire du P’tit train du Nord
  • Un lieu de promotion d’activités culturelles et récréatives
Restauration

 

Le 1er octobre 1998 la gare est ramenée sur son site d’origine par la firme Normand Fallon Inc. sur des fondations érigées par « Construction Michel Latreille enr. ». Le déplacement de la gare prit 5 jours. Il s’est écoulé 15 ans avant que la gare de Nominingue, aujourd’hui centenaire, retrouve son lieu d’origine.

 

Qu’est devenue la gare d’autrefois? C’est la gare d’aujourd’hui, sauvegardée, décapée par des bénévoles, vernie, peinte. Construction du quai, escaliers, rampes d’accès, boîtes à fleurs et panneaux décoratifs ont été faits par des personnes fort habiles, chacune à leur façon.

 

Lieu de rassemblement

 

Aujourd’hui la gare, plus que centenaire, reçoit des visiteurs qui demandent des informations touristiques, qui s’intéressent au patrimoine, car plus d’un millier de photographies du Nominingue ancien et de ses familles sont exposées dans des albums, à la documentation, aux livres, aux vidéos, aux diaporamas… Des visiteurs viennent également visiter les différentes expositions d’artistes de chez-nous et d’ailleurs dans la grande salle, tout au long de la saison estivale.

 

Ainsi la gare remplit à nouveau sa mission première publique et communautaire, de carrefour pour la clientèle du parc linéaire du P’tit Train du Nord, ainsi que pour les touristes en visite dans la région et la population locale et régionale, en lui offrant des activités culturelles et récréatives.